Depuis plusieurs années, une question persiste dans mon esprit: quels sont les critères qui guident la baptisation des édifices et institutions publiques à Skikda? L’influence du lobbying intéressé a-t-elle altéré la dimension éthique de la reconnaissance nationale et territoriale ?
La reconnaissance mémorielle, constituant un pilier dans l’éducation citoyenne des Algériens, possède une puissance indéniable. Cependant, le lobbying, dans ce domaine, s’est malheureusement glissé dans un rôle d’imposteur, contribuant à la déconstruction de cette noble entreprise. Face aux fonctionnaires étatiques et aux « penseurs » autoproclamés, il est de mon devoir et de mon honneur de présenter une figure qui s’inscrit naturellement dans le cœur des Skikdis et dans l’Histoire du nationalisme algérien : Messaoud Boukadoum, également connu sous le nom de Si El Haoues. Intellectuel, révolutionnaire, militant nationaliste et moudjahid de la guerre de libération nationale, son nom transcende tout besoin de lobbying pour s’ancrer dans l’esprit collectif. Pourtant, aucun édifice public ne porte son nom à ce jour. Né le 5 décembre 1910 à El-Harrouch dans l’Est de l’Algérie, Messaoud Boukadoum a tracé un parcours exemplaire. Bachelier en 1933, il a obtenu une bourse pour ses études à Paris. Là-bas, il a adhéré au mouvement nationaliste révolutionnaire Nord Africain, l’Étoile Nord Africaine [ENA], et est devenu membre du Comité Directeur. Il a également été membre actif de l’Association des Étudiants Musulmans Nord-Africains [AEMNA]. À son retour en septembre 1937, il a créé une section du Parti du Peuple Algérien [PPA], successeur de l’Étoile Nord Africaine. En février 1943, après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord en novembre 1942, le Manifeste du peuple algérien a été publié pour exposer les revendications politiques des partisans d’une décolonisation. Les Amis du Manifeste et de la Liberté [AML] ont vu le jour en mars 1944 pour défendre ces idées. Messaoud Boukadoum est devenu l’un des leaders des AML dans le Constantinois, jouant un rôle essentiel lors du Congrès de 1945. Condamné en octobre 1945 pour son rôle dans les massacres de mai 1945, il a été libéré en mars 1946 après une amnistie. Messaoud Boukadoum a poursuivi son engagement, participant au Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques [MTLD], créé pour contourner l’interdiction du PPA lors des élections législatives de 1946. Son rôle dans ce mouvement a été crucial, comme en témoignent ses interventions à l’Assemblée Nationale française en août 1947. Son réquisitoire sans compromis contre la politique coloniale française, son dévouement pour la religion musulmane et la langue arabe, ainsi que son rôle au sein du MTLD ont laissé une empreinte significative. Il est resté fidèle à sa cause en rejoignant le FLN en 1954 lors du déclenchement de la Révolution algérienne. La contribution de Messaoud Boukadoum à la libération de l’Algérie et son engagement envers sa patrie méritent une reconnaissance mémorielle, pourtant absente aujourd’hui. D’autres figures historiques de Skikda et de la wilaya partagent ce sort injuste, étouffées par un lobbying honteux. Cherif Boukadoum, Brahim SoltaneChibout, Hocine Lahouel, et bien d’autres, méritent de sortir de l’ombre. En somme, la question des processus de baptisation des institutions publiques à Skikda mérite une réflexion approfondie. Comment pouvons-nous restaurer la juste reconnaissance envers ces personnalités qui ont dédié leur vie à notre ville, notre wilaya et notre patrie ? la question demeure posée.
Par Dr Bendif Allaoua
Universitaire et docteur en psychologie clinique